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me tourner la tête et il était encore près de recommencer.

Il revenait à la vieille comédie de la sympathie, que j’avais inspirée à ses filles, dont l’une s’était moquée de moi, tandis que les autres n’avaient même pas paru remarquer ma présence. Il me demandait maintenant de l’accompagner à Glasgow, de loger chez lui à Édimbourg et de faire mes débuts dans le monde sous son patronage. Je trouvais déjà surprenant qu’il eût assez bon caractère pour me pardonner, mais le voir désirer ma compagnie et m’offrir sa protection en échange, me paraissait extraordinaire, aussi je me mis à flairer quelque nouveau piège. Une chose était certaine, c’est que si j’acceptais d’être son invité, tout retour en arrière me serait interdit, je ne pourrais jamais me raviser et intenter un procès. D’ailleurs, ma présence chez lui ne suffirait-elle pas à détruire l’effet du Mémoire ? Comment cette plainte serait-elle prise au sérieux, si la personne offensée était l’hôte du magistrat le plus incriminé dans l’affaire ? En songeant à tout cela, je ne pus m’empêcher de sourire.

« Vous me demandez là une sorte de désaveu du Mémoire, dis-je.

— Vous devinez juste, monsieur David, votre présence me sera d’une grande utilité. Peut-être, cependant, vous méprenez-vous sur mon amitié, qui est sincère ? J’ai beaucoup d’estime pour vous, monsieur David, et même un certain respect, ajouta-t-il en souriant.

— Je ne demanderais pas mieux que d’accepter vos offres, milord ; je suis désireux de vous témoigner ma gratitude et touché de votre bienveillance ; je sais que, me destinant au barreau, l’appui de Votre Altesse me serait précieux, mais voici la difficulté : ici, nos chemins se séparent ; vous poursuivez la perte de James, et moi, j’essaie de le sauver. Si mon voyage avec vous peut