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PIERRICHE.

Adieu l’ambroisie champêtre ! adieu ce doux et agréable breuvage d’épinette que ses enfants aimaient tant !

Il était donc vrai que pendant qu’il assassinait traîtreusement son goret, l’épinette coulait à grands flots dans sa cave !…

À cette effroyable pensée, le malheureux, l’infortuné Pierriche poussant des cris qui n’avaient plus rien d’humain, s’arracha une poignée de cheveux de désespoir.

Il se disposait à en arracher une autre, quand l’enfant, réveillé par ses cris, se mit fort à propos à pleurer de toutes ses forces.

À ces pleurs qui remuaient ses entrailles de père, Pierriche courut au berceau, enleva son enfant comme une plume et se mit à l’embrasser et à le faire sautiller sur ses genoux.

Puis, comme le petit Benjamin continuait à pleurer de plus belle, Pierriche — qui d’ailleurs avait besoin de s’étourdir, — tourna le dos à sa malheureuse victime étendue sur le plancher à côté de la pâte qui commençait à lever, et entonna d’une voix à ébranler une cathédrale :

C’est la cocote grise
Qui a pond dans l’église ;
Elle a pond un petit coco
Pour le petit Pierriche qui va faire do do,
Do diche, do do !…

Pierriche allait aborder d’une voix encore plus formidable le second couplet de cette chanson harmonieuse et essentiellement soporifique, lorsqu’en jetant un coup d’œil par la fenêtre de derrière qui donnait sur le potager, il aperçut sa vache dévorant à belles dents ses plus beaux choux.

Ah ! la gueuse ! ah l’écœurante ! s’écria Pierriche en