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grand mais est peut-être aussi laid que l’Odéon de Paris. Au total cet édifice, isolé entre une place et trois rues, est horriblement lourd. Sur les trois côtés qui ne sont pas occupés par les douze pauvres petites colonnes corinthiennes, règnent des pilastres d’une lourdeur incroyable. Derrière ces pilastres énormes, on trouve un passage assez obscur qui peut servir de promenade à couvert et où, dans le fait, ce soir, par la pluie, je me suis promené une heure. Mais j’étais seul. Ce triste portique n’est point lieu de rendez-vous comme le charmant portique de Brescia, par exemple. Le côté le moins laid de la salle de spectacle est celui du levant opposé à la façade.

Ce gros édifice isolé termine au midi la magnifique place appelée les Allées de Tourny, et comme il forme un angle avec l’axe de cette place, comme il est place un peu en fuyant, un portique qui aurait un peu de style produirait un effet sublime. Mais pour que les monuments construits par un architecte disent quelque chose à l’âme, il faut que lui-même ait de l’âme. Rien de plus rare en France. L’âme y donne un ridicule aux gens : voyez le vieux Corneille. L’âme fière d’un véritable artiste déplaît souvent au pouvoir : voyez la vie de Michel-Ange. Or l’architecte