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cœur à la vue des petites infamies de 1838. Le sang politique ne coule pas sous Louis-Philippe ; mais si les mœurs de 1816 revenaient, ces gens que je ne nomme pas feraient couler le sang, comme ils font des friponneries, en parlant vertu et moralité.

Le grand et triste précipice que j’ai sans cesse à éviter et où s’abîmerait pour jamais le faible sentiment que ce voyage peut imprimer aux esprits dominés par la crainte, c’est le mépris.

Le lecteur ne s’en serait pas douté ; si je crois pouvoir publier l’Histoire de mon temps, le lecteur pourra voir avec les mêmes dates de ce voyage quelles choses basses, plates, infâmes d’hypocrisie, j’ai eu le malheur de m’entendre raconter et de vérifier souvent. J’ai sacrifié des journées entières dans des pays fort laids et que ces anecdotes me faisaient prendre en horreur pour vérifier quelquefois un seul fait. Et encore comme juge, je ne pouvais pas condamner ; je ne suis pas arrivé à cette certitude-là.

Aujourd’hui, poursuivi par cette pluie infâme, je suis allé deux fois au cabinet littéraire. J’étais très ennuyé. Enfin, à trois heures, je me suis souvenu de ce que le général M[ichaud] me raconta, comme l’ayant vu la veille : un soldat qui fuyait et qui se méprisait soi-même, ar-