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J’avais horreur surtout de rencontrer des forçats. Le laid m’opprimait déjà bien assez de tous points, moi qui supporte les fatigues de la diligence et de mauvaises chambres dans l’espoir de rencontrer quelque chose de beau. Je n’ai pas à me plaindre. Je n’oublierai jamais la mer vue à trois heures du matin avant-hier à La Ciotat. Cette vue est égale aux plus belles vues des Monti di Brianza et des lacs au nord de Milan qui me donnaient des transports de bonheur si ridicules de 1814 à 1821 quand j’étais fou de la peinture et de plusieurs autres choses. (Angélina, Mathilde D.)

L’âme exaltée ou seulement touchée par le souvenir de cette annonce de l’aube vue à La Ciotat, va être pénétrée aujourd’hui de la douleur la plus pénétrante par la vue de quelque chose de trop laid. Je ne puis donc observer beaucoup de choses. Quelquefois mépriser est un supplice pour moi ; et ceux qui connaissent la France de 1838 me rendront cette justice qu’il me faut quelque adresse pour n’être pas tué par le mépris.

Grand Dieu ! quelles anecdotes sur des magistrats bien payés n’ai-je pas rencontrées sur ma route de Bordeaux à Bayonne, Pau, Narbonne, Montpellier et Marseille ! Quand je serai plus vieux et