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gestes placent ce tableau au premier rang. Détails admirables : petits anges qu’on dirait de l’école de Venise ; les grands sont des garçons de 18 ans. Les pieds de celui qui est à droite attirent trop l’attention et manquent de grâce, mais non pas de vérité.

Choqués de l’affectation, du faux, du convenu dont les nigauds qui se portaient comme successeurs de Raphaël, remplissaient leurs tableaux, les Carrache osèrent revenir à la vérité. Cette idée et le courage surhumain avec lequel ils la suivirent (voir leur historien Malvasia) furent sur le point de les faire mourir de faim. Pour faire cet ange, Louis Carrache prit un beau garçon de 18 ans pour modèle et ne songea pas à lui faire des pieds de femme pour lui donner l’air divin. Il avait trop d’horreur et de mépris pour toute fausseté[1].

  1. Un peu plus loin page 23 de son manuscrit, Beyle parlait encore de ce tableau dans ces termes : « Je ne saurais parler que vaguement d’une Assomption grandiose de Louis Carrache placée trop haut et dans la partie la plus obscure du musée, celle où l’on a mis le tableau de Raphaël. Un ange de ce tableau sur le premier plan a des pieds de portefaix. C’est un des défauts de l’école de Bologne, dans son horreur pour les poupées élégantes que les froids imitateurs de Raphaël avaient mises à la mode. Les trois Carrache et le Dominiquin copiaient exactement et sans jamais ennoblir les pieds et les mains de leurs modèles, mais aussi ces grands hommes n’ont jamais rien d’affecté, ni de niais. » Mais Stendhal avait encadré tout ce passage d’un trait de plume et avait écrit dans la marge : « Fait autrement, page 18 ; choisir. J’aime mieux aujourd’hui la page 18. » Aussi avons-nous suivi sa volonté et laissé dans le texte le passage de la page 18. N. D. L. E.