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— 1er mai 1838.

La bêtise des provinciaux est chose incroyable. On a beau le dire ; quand on veut être matériellement bien, il ne faut pas quitter le boulevard ; ailleurs on ne doit chercher que la sensation du moment. On est surpris. Par exemple, j’achète à Bayonne des bâtons de ce fameux chocolat destiné aux voyageurs ; ils sont gros et longs comme le doigt. Hé bien ! il faudrait en voyage les mettre en entier dans la bouche, attendu qu’on ne peut les casser sans des coups de marteau très forts.

Ce matin encore, le vent était froid ; en partant j’ai eu la témérité de vouloir déjeuner avec du thé. J’en ai pris dans le paquet que m’a donné M. C. et me suis acheminé vers le meilleur café de Montpellier, dont enfin je suis parvenu à me faire dire le nom, non sans cependant avoir été trompé plusieurs fois.

Là je me suis livré à des travaux d’Hercule pour avoir de l’eau chaude, mais je n’ai pu réussir ; j’ai pris du thé à l’eau tiède par ce froid.

Illumination de l’esplanade, mais le vent froid d’est me fait fonction de mistral et gâte tout pour moi.

Montpellier est une des laides villes