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sorte de béret. Tout à coup je débouche sur un beau boulevard ; la campagne ouverte succède aux tristes maisons ; j’ai passé sans m’en douter une des portes de la ville. Et enfin, vis-à-vis de moi, cette singulière forteresse grise au haut de la colline frappe et attache ma vue. Cela ressemble à une ville aperçue à vol d’oiseau, comme on en trouve quelquefois dans les tableaux.

J’y marche en droite ligne ; j’avais oublié l’Aude ; j’arrive au bord de ce torrent ; j’aperçois le pont dont la masse me plaît au milieu de cette nature si misérable et par ce temps plus misérable encore. Sans doute l’effet eût été tout autre en été. J’abreuve mon âme de mélancolie aux tristes bords de l’Aude, sales et misérables. Enfin je vais au pont, fort étroit. L’essentiel est de ne pas être écrasé par les grosses charrettes qui le descendent comme j’y monte. Elles sont traînées par 4 ou 5 mulets.

Je passe le pont ; je monte à cette ancienne ville ; il me semble monter à l’assaut ; pas un chat sur le mauvais rapide ; les murailles, perchées sur le roc et hautes de 30 ou 40 pieds, sont fortes et sévères ; il n’y paraît pas une fenêtre, pas un être humain. J’entre par la porte, petite et gothique ; silence,