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Aujourd’hui il m’a donné trois averses avec impossibilité de tenir le parapluie.

À six heures et demie, ne voyant pas de facteur, je quitte l’hôtel de San-Esteban. Je demande à la diligence Castex si j’avais le temps de prendre du café. On a dû bien rire de ma question ; j’ai dû passer pour un grand original ; on m’a conduit à un café borgne où j’ai pris longuement du café, puis j’ai eu le temps de brûler trois cigarettes.

Gaîté d’un sergent qui vient pour boire une demi-bouteille de blanc avec un de ses amis. Ces jeunes soldats voient passer trois ouvrières de leur connaissance, toutes trois jeunes, deux jolies de cette beauté si spirituelle, si attrayante, si coquette sans vanité de l’Espagne. Je ne sais comment peindre juste cette qualité.

Gaîté des jeunes ouvrières et des soldats. La plus jolie se défendait de boire : « Quand je bois du vin, je ne puis plus travailler de toute la journée. » Le sergent était brillant et en vérité n’a rien dit que de très bien. Heureux âge, mais surtout heureuse classe d’êtres ! Quelle différence de ce sergent à son sous-lieutenant, jeune parisien de race aisée, sortant de l’École de Saint-Cyr. Si ce sergent a de l’ambition, il ne compte que sur ses actions et nullement sur le crédit de la famille et l’intrigue. Sans