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qui ont des bienfaiteurs. Comme ces bienfaiteurs sont en général assez occupés et ne paraissent qu’à des heures fixes, il est assez facile de les tromper, mais il n’y a pas beaucoup de trompeurs. La plupart des jeunes gens préfèrent des relations encore plus faciles.

L’isolement profond, l’ennui dans lequel les pauvres femmes passent leurs soirées avant d’avoir des filles d’un certain âge les placent à peu près dans la situation des religieuses. S’il est question de quelque consolateur, chevalier servant, on le choisit dans la maison, et la facilité des entrevues, les moyens d’éviter le terrible qu’en dira-t-on influent plus sur le choix que les qualités personnelles.

Il y a aussi de grandes passions. On m’assure que chaque année une ou deux jolies femmes se font enlever au sortir de la messe. Ces enlèvements sont dans le genre anglais ; l’amant quitte tout pour aller vivre au loin avec la femme qu’il préfère ; en général, on se rend à Paris.

Les amies des négociants sont, en général, fort jolies ; elles viennent des Pyrénées pour être modistes à Bordeaux ou simples servantes. Beaucoup de ces relations durent toute la vie du protecteur. Ce qu’il y a de cruel, c’est que les demoiselles n’ayant absolument aucune éducation,