Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en second de son propre orchestre. Mortzin y consentit. Malheureusement l’auteur, qui était indisposé, ne se trouvait pas ce jour-là au concert ; et comme les volontés des princes, quand elles ne sont pas exécutées sur-le-champ, sont sujettes à bien des retards, plusieurs mois se passèrent sans que Haydn, qui désirait beaucoup passer au service du plus grand seigneur de l’Europe, entendît parler de rien.

Friedberg, compositeur attaché au prince Antoine, et qui goûtait les talents naissants de notre jeune homme, cherchait un moyen de le rappeler à Son Altesse. Il eut l’idée de lui faire composer une symphonie qu’on exécuterait à Eisenstadt, résidence du prince, le jour anniversaire de sa naissance. Haydn la fit, et elle est digne de lui. Le jour de la cérémonie arrivé, le prince, entouré de sa cour et assis sur son trône, assistait au concert accoutumé. On commence la symphonie de Haydn : à peine était-on au milieu du premier allegro, que le prince interrompt ses musiciens, et demande de qui est une si belle chose ? « De Haydn », répond Friedberg ; et il fait avancer le pauvre jeune homme tout tremblant. Le prince, en le voyant : « Quoi ! dit-il, la musique est de ce Maure (il faut avouer que le teint de Haydn méritait un peu cette injure) ? Eh bien ! Maure, dorénavant tu