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la beauté de la situation, la musique, l’expression du chanteur, avaient tellement ravi les musiciens, que Pacchiarotti s’aperçoit qu’après qu’il a prononcé ces paroles, l’orchestre ne fait pas son trait. Impatienté, il baisse les yeux vers le chef d’orchestre. « Eh bien ! que faites-vous donc ? » Celui-ci, réveillé comme d’une extase, lui répond en sanglotant et tout naïvement : « Nous pleurons. » En effet, aucun des musiciens n’avait songé au passage, et tous avaient leurs yeux pleins de larmes fixés sur le chanteur.

Je vis à Brescia, en 1790, l’homme d’Italie qui était peut-être le plus sensible à la musique. Il passait sa vie à en entendre : quand elle lui plaisait, il ôtait ses souliers sans s’en apercevoir ; et si le pathétique allait à son comble, il était dans l’usage de les lancer derrière lui sur les spectateurs.

Adieu. La longueur de mon épître me fait peur ; la matière s’étend sous ma plume : je croyais vous écrire trois ou quatre lettres tout au plus, et je deviens infini. Je profite de l’offre obligeante de M. de C.., qui vous fera parvenir mes lettres franches de port jusqu’à Paris, à commencer par celle-ci : j’en suis bien aise. Si l’on vous voyait recevoir par la poste ces paquets énormes arrivant de l’étranger, on pourrait