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avec lequel l’enfant exécute, le frappent ; mais il est surtout charmé de la beauté de la voix. Il remarqua seulement qu’il ne trillait pas, et lui en demanda la cause en riant. Celui-ci répondit avec vivacité : « Comment voulez-vous que je sache triller, si mon cousin lui-même l’ignore ? — Viens ici, je vais te l’apprendre », lui dit Reüter. Il le prend entre ses jambes, lui montre comment il fallait rapprocher avec rapidité deux sons, retenir son souffle, et battre la luette. L’enfant trilla sur-le-champ et bien. Reüter, enchanté du succès de son écolier, prend une assiette de belles cerises que Frank avait fait apporter pour son illustre confrère, et les verse toutes dans la poche de l’enfant. On conçoit la joie de celui-ci. Haydn m’a souvent rappelé ce trait, et il ajoutait, en riant, que toutes les fois qu’il lui arrivait de triller, il croyait voir encore ces superbes cerises.

On sent bien que Reüter ne retourna pas seul à Vienne il emmena le nouveau trilleur. Haydn avait huit ans environ. Dans sa petite fortune, on ne trouve aucun avancement non mérité, aucun effet de la

    avec une chaleur pleine de gaieté, ne rendrait qu’imparfaitement ce qu’on entend en Italie par cantar con brio. Au delà des Alpes, portar si con brio est un éloge : en France ce serait un ridicule énorme. Brio è quella vaghezza spiritosa che risulta dal galante portamento, o dall’ allegra aria della persona.