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où l’on passe si peu qu’elle est couverte d’herbe. Vers le milieu de cette rue, s’élève une humble petite maison, toujours environnée par le silence : c’est là, et non pas dans le palais Esterhazy, comme vous le croyez, et en effet comme il le pourrait s’il le voulait, qu’habite le père de la musique instrumentale, un des hommes de génie de ce dix-huitième siècle, qui fut l’âge d’or de la musique.

Cimarosa, Haydn et Mozart viennent seulement de quitter la scène du monde. On joue encore leurs ouvrages immortels ; mais bientôt on les écartera : d’autres musiciens seront à la mode, et nous tomberons tout à fait dans les ténèbres de la médiocrité. Ces idées remplissent toujours mon âme quand j’approche de la demeure tranquille où Haydn repose. On frappe, une bonne petite vieille, son ancienne gouvernante, vous ouvre d’un air riant ; vous montez un petit escalier de bois, et vous trouvez, au milieu de la seconde chambre d’un appartement très simple, un vieillard tranquille, assis devant un bureau, absorbé dans la triste pensée que la vie lui échappe, et tellement nul dans tout le reste, qu’il a besoin de visites pour se rappeler ce qu’il a été autrefois. Lorsqu’il voit entrer quelqu’un, un doux sourire paraît sur ses lèvres, une larme mouille