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grâce, est pourtant de la beauté. Dans ce genre, les femmes, moins courbées que les hommes sous le joug habituel des calculs d’intérêt, leur sont bien supérieures.

La musique doit faire naître la volupté, et Métastase a été le poëte de la musique. Son génie tendre l’a porté à fuir tout ce qui pouvait donner la moindre peine, même éloignée, à son spectateur. Il a reculé de ses yeux ce qu’ont de trop poignant les peines de sentiment : jamais de dénoûment malheureux ; jamais les tristes réalités de la vie ; jamais ces froids soupçons qui viennent empoisonner les passions les plus tendres.

Il a senti que, si la musique de ses opéras était bonne, elle donnerait des distractions au spectateur, en le faisant songer à ce qu’il aime : aussi, à chaque instant, rappelle-t-il ce qu’il faut savoir du personnage pour comprendre ce qu’il chante. Il semble dire aux spectateurs : « Jouissez, votre attention même n’aura pas la moindre peine ; laissez-vous aller à l’oubli, si naturel, du plan d’une pièce dramatique ; ne songez plus au théâtre ; soyez heureux au fond de votre loge ; partagez le sentiment si tendre qu’exprime mon personnage. » Ses héros ne retiennent presque rien de la triste réalité. Il a créé des êtres qui ont un grain de verve et de génie