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de retourner auprès de son père au commencement de 1779.

Au mois de novembre de l’année suivante, il se rendit à Vienne, où son souverain, l’archevêque de Salzbourg, l’avait appelé. Il était alors âgé de vingt-quatre ans. Le séjour de Vienne lui convint, et encore plus, à ce qu’il paraît, la beauté des Viennoises. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il s’y fixa, et que rien n’a jamais pu l’en détacher. Les passions étant entrées dans cette âme si sensible, et qui possédait à un si haut degré le mécanisme de son art, il devint bientôt le compositeur favori de son siècle et donna le premier exemple d’un enfant célèbre devenu un grand homme[1].

  1. Mozart composa la musique de l’opéra d’Idoménée sous les auspices les plus favorables. L’électeur de Bavière, qui l’avait toujours comblé de grâces et de prévenances, lui avait demandé cet opéra pour son théâtre de Munich, dont l’orchestre était un des mieux composés de l’Allemagne. Mozart se trouvait alors dans toute la fleur de son génie : il avait vingt-cinq ans, était éperdument amoureux de mademoiselle Constance Weber, virtuose célèbre, qu’il épousa depuis. La famille de sa maîtresse, considérant qu’il n’avait point d’emploi fixe, qu’il voyageait toujours, que ses mœurs n’avaient été jusque-là rien moins qu’exemplaires, s’opposait à ce mariage. Il prit à tâche de montrer à cette famille que, quoiqu’il n’eût pas de rang assuré dans la société, il possédait cependant quelques moyens de considération, et il trouva dans ses sentiments pour Constance les motifs des airs passionnés dont il avait besoin pour son ouvrage. L’amour et l’amour-propre du jeune compositeur, exaltés au plus haut degré, lui firent produire un opéra qu’il a toujours regardé comme ce qu’il avait fait de mieux, et dont il a même souvent emprunté des idées pour ses compositions suivantes.