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qui mériterait l’admiration. » Sans montrer la moindre surprise à cette étrange proposition, l’enfant se mit sur-le-champ à jouer d’un seul doigt, et avec toute la netteté et la précision possibles. Il demanda qu’on mît un voile sur les touches du clavecin, et continua de même et comme si depuis longtemps il se fût exercé à cette manière.

Dès l’âge le plus tendre, Mozart, animé du véritable amour-propre de son art, ne s’enorgueillissait nullement des éloges qu’il recevait des grands personnages. Il n’exécutait que des bagatelles insignifiantes lorsqu’il avait affaire à des gens qui ne se connaissaient pas en musique. Il jouait, au contraire, avec tout le feu et toute l’attention dont il était susceptible, dès qu’il était en présence de connaisseurs, et souvent son père fut obligé d’user de subterfuges et de faire passer pour connaisseurs en musique les grands seigneurs devant lesquels il devait paraître. Lorsque, âgé de six ans, le jeune Mozart se mit au clavecin pour jouer en présence de l’empereur François, il s’adressa au prince, et lui dit : « M. Wagensei n’est-il pas ici ? C’est lui qu’il faut faire venir ; il s’y connaît. » L’empereur fit appeler Wagensei, et lui céda sa place auprès du clavecin. « Monsieur, dit alors Mozart