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mais nous en profitons. C’est ainsi que, dans les arts, il n’est pas mal que chaque pays ait une physionomie particulière. Les jouissances du monde entier s’en augmentent. Nous jouissons des chants napolitains de Paisiello et des symphonies allemandes de Haydn. Quand verrons-nous Talma, après avoir joué un jour Andromaque, nous montrer le lendemain le malheureux Macbeth entraîné au crime par l’ambition de sa femme ? Il faut savoir que les Macbeth, Hamlet, etc., de M. Ducis, sont de fort bonnes pièces, sans doute, mais ressemblent autant aux pièces du poëte anglais qu’à celles de Lope de Vega. Il me semble que nous en sommes, pour les pièces romantiques, précisément au même point où nous nous trouvions il y a cinquante ans pour la musique italienne. On criera beaucoup ; il y aura des pamphlets, des satires, peut-être même des coups de bâton de distribués dans quelque moment où le public, dans une profonde tranquillité politique, sera juge compétent en littérature. Mais enfin ce public, excédé des plats élèves du grand Racine, voudra voir Hamlet et Othello. La comparaison ne cloche qu’en un seul point : c’est que ces pièces ne tueront point Phèdre et Cinna, et que Molière restera sans rival, par la raison simple qu’il est unique.