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Catalani. Je ne sais pourquoi tous, peut-être, ne voudraient pas avouer cette manière de sentir. Dans les beaux arts, chose si indifférente au salut de l’État, quel mal peut faire cette pauvre liberté ?

Il ne faut qu’avoir des yeux pour s’apercevoir vingt fois la journée que la nation française a changé de manière d’être depuis trente ans. Rien de moins ressemblant à ce que nous étions en 1780, qu’un jeune Français de 1814. Nous étions sémillants, et ces messieurs sont presque Anglais. Il y a plus de gravité, plus de raison, moins d’agrément. La jeunesse, qui sera toute la nation dans vingt ans d’ici, ayant changé, il faut que nos pauvres rhéteurs déraisonnent encore plus qu’à l’ordinaire pour vouloir que les beaux-arts restent les mêmes.

« Pour moi, je l’avouerai, me disait un jeune colonel, il me semble, depuis la campagne de Moscou, qu’Iphigénie en Aulide n’est plus une aussi belle tragédie. Je trouve cet Achille un peu dupe et un peu faible. Je me sens du penchant, au contraire, pour le Macbeth de Shakspeare. »

Mais je divague un peu : on voit bien que je ne suis pas un jeune Français de 1814. Revenons à la question de savoir si, en musique, le beau idéal du Danois peut être le même que celui du Napolitain.