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de musique en lui demandant s’il avait de la musique belle et choisie : « Précisément, répond le marchand, je viens d’imprimer de la musique sublime de Haydn. — Ah ! pour celle-là, reprend Haydn, je n’en ai que faire. — Comment, monsieur, vous n’avez que faire de la musique de Haydn ! et qu’y trouvez-vous à reprendre, s’il vous plaît ? — Oh ! beaucoup de choses ; mais il est inutile d’en parler, puisqu’elle ne me convient pas : montrez-m’en d’autre. » Le marchand, qui était un haydiniste passionné : « Non, monsieur, répond-il, j’ai de la musique, il est vrai, mais elle n’est pas pour vous ; » et il lui tourne le dos. Comme Haydn sortait en riant, entre un amateur de sa connaissance, qui le salue en le nommant. Le marchand, qui se retourne à ce nom, encore plein d humeur, dit à l’homme qui entrait : « Eh bien, oui, M. Haydn ! voilà quelqu’un qui n’aime pas la musique de ce grand homme. » L’Anglais rit ; tout s’explique, et le marchand connaît cet homme qui trouvait à redire à la musique de Haydn[1].

Notre compositeur, à Londres, avait

  1. Niaiserie des anecdotes allemandes. Quand l’imagination ne le rend pas fou, ce peuple est bon et tendre digne d’être aimé, mais ennuyeux, c’est exactement le contraire du peuple français, vif, léger, amusant, mais avec le cœur le plus sec. (Note ms. de l’ex. Mirbeau.)