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méthodique, le retinrent en Hongrie et l’emportèrent sur son désir constant de passer les monts. Il ne serait peut-être jamais sorti d’Eisenstadt, si mademoiselle Boselli n’était venue à mourir. Haydn, après cette perte, commença à sentir du vide dans ses journées. Il venait de refuser l’invitation des directeurs du concert spirituel de Paris. Après la mort de son amie, il accepta les propositions d’un violon de Londres, nommé Salomon, qui dirigeait dans cette ville une entreprise de concerts. Salomon pensa qu’un homme de génie, déniché tout exprès pour les amateurs de Londres, mettrait son concert à la mode. Il donnait vingt concerts par an, et promit à Haydn cent sequins par concert (douze cents francs). Haydn ayant accepté ces conditions, partit pour Londres en 1790, à l’âge de cinquante-neuf ans. Il y passa plus d’un an. La musique nouvelle qu’il composa pour ces concerts fut très goûtée. La bonhomie dans les manières réunie à la présence certaine du génie, devait réussir chez une nation généreuse et réfléchie. Souvent un Anglais s’approchait de lui dans la rue, le toisait en silence de la tête aux pieds, et s’éloignait en disant : « Voilà donc un grand homme ! »

Haydn racontait avec plaisir beaucoup d’anecdotes de son séjour à Londres,