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que celles de cette bonne dame qui croyait voir, dans les taches de la lune, des amants heureux se penchant l’un vers l’autre.

Quelques faiseurs d’opéras ont voulu, de même, partager l’exposition de leurs idées entre l’orchestre et la voix de l’acteur. Ils ont oublié que la voix humaine a cela de particulier, que, dès qu’elle se fait entendre, elle attire à soi toute l’attention. Nous éprouvons tous, malheureusement, en avançant en âge, qu’à mesure qu’on est moins sensible et plus savant, on devient plus attentif aux instruments de l’orchestre. Mais chez la plupart des hommes sensibles et faits pour la musique, plus le chant est clair et donné avec netteté, plus le plaisir est grand. Je ne vois d’exception à cela que dans certains morceaux de Mozart. Mais il est le la Fontaine de la musique ; et comme ceux qui ont voulu imiter le naturel du premier poëte de la langue française n’ont attrapé que le niais, de même les compositeurs qui veulent suivre Mozart tombent dans le baroque le plus abominable. La douceur des mélodies de ce grand homme assaisonne tous ses accords, fait tout passer. Les compositeurs allemands, que j’entends tous les jours, renoncent à la grâce et pour cause, dans un genre qui la demande impérieusement : ils veulent toujours donner du terrible.