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qui exprimeraient le bonheur d’un vent propice qui vient enfler les voiles de Pâris enlevant la belle Hélène ?

Paisiello et Sarti partagent avec Haydn le grand mérite de savoir bien distribuer les diverses parties d’un ouvrage : c’est au moyen de cette sage économie intérieure que Paisiello compose, non pas un air, mais un opéra tout entier, avec deux ou trois passages délicieux. Il les déguise, les rappelle à la mémoire, les réunit, leur donne un air plus imposant ; peu à peu il les fait pénétrer dans l’âme de ses auditeurs, leur fait sentir la douceur des moindres notes, et produit enfin cette musique si pleine de grâces, et qui donne si peu de peine à comprendre. Voyez la Molinara, que vous aimez tant. Voyez les accompagnements de Pirro comparés à ceux de la Ginevra de Mayer, par exemple ; ou, si vous voulez mettre du noir à côté d’une rose, songez aux accompagnements de l’Alceste de Gluck.

Notre âme a besoin d’un certain temps pour comprendre un passage musical, pour le sentir, pour s’en pénétrer. La plus belle idée du monde ne produit qu’une sensation passagère, si le compositeur n’insiste pas. S’il passe trop vite à une autre pensée, la grâce s’évanouit. Haydn est encore admirable en cette partie, si