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personnes que le public nommera, ont si bien arrangé ce titre, que tel galant homme peut s’estimer fort heureux de n’y arriver jamais.

Le présent livre n’est donc pas un livre. À la chute de Napoléon, l’écrivain des pages suivantes, qui trouvait de la duperie à passer sa jeunesse dans les haines politiques, se mit à courir le monde. Se trouvant en Italie, lors des grands succès de Rossini, il eut occasion d’en écrire à quelques amis d’Angleterre et de Pologne.

Des lambeaux de ces lettres, transcrits tout de suite, voilà ce qui forme la brochure qu’on va lire, parce que l’on aime Rossini, et non pas pour le mérite de la brochure. De quelque manière que l’histoire soit écrite, elle plaît, dit-on, et celle-ci a été écrite en présence des petits événements qu’elle raconte.

Je m’attends bien qu’il y aura trente ou quarante inexactitudes dans le nombre infini de petits faits qui remplissent les pages suivantes.

Il est si difficile d’écrire l’histoire d’un homme vivant ! et d’un homme comme Rossini, dont la vie ne laisse d’autres traces que le souvenir des sensations agréables dont il remplit tous les cœurs ! Je voudrais bien que ce grand artiste, qui est en même temps un homme charmant, eût l’idée d’écrire lui-même ses Mémoires, à la manière de Goldoni. Comme il a cent fois plus d’esprit que Goldoni, et qu’il se moque de tout, ses Mémoires seraient bien autrement piquants. J’espère qu’il y aura assez d’inexactitudes dans cette Vie de Rossini pour le fâcher un peu, et l’engager à écrire. Avant qu’il se fâche (s’il se fâche), j’ai besoin de lui dire que je le respecte infiniment, et bien autrement, par exemple, que tel grand seigneur envié. Le seigneur a gagné un gros lot en argent à la loterie de la nature, lui y a gagné