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constamment occupé par des amours malheureuses. J’ai aimé éperdument Mlle  Kably, Mlle  de Griesheim, Mme  de Diphortz, Métilde, et je ne les ai point eues, et plusieurs de ces amours ont duré trois ou quatre ans. Métilde a occupé absolument ma vie de 1818 à 1824. Et je ne suis pas encore guéri, ai-je ajouté, après avoir rêvé à elle seule pendant un gros quart d’heure peut-être. M’aimait-elle* ?

J’étais attendri, en prière, en extase. Et Menti*, dans quel chagrin ne m’a-t-elle pas plongé quand elle m’a quitté ? Là, j’ai eu un frisson en pensant au 15 septembre 1826, à San Remo, à mon retour d’Angleterre. Quelle année ai-je passée du 15 septembre 1826 au 15 septembre 1827 ! Le jour de ce redoutable anniversaire, j’étais à l’île d’Ischia. Et je remarquai un mieux sensible ; au lieu de songer à mon malheur directement, comme quelques mois auparavant, je ne songeais plus qu’au souvenir de l’état malheureux où j’étais plongé en octobre 1826 par exemple. Cette observation me consola beaucoup.

Qu’ai-je donc été ? Je ne le saurais. A quel ami, quelque éclairé qu’il soit, puis-je le demander ? M. di Fiore lui-même ne pourrait me donner d’avis. A quel ami ai-je jamais dit un mot de mes chagrins d’amour ?

Et ce qu’il y a de singulier et de bien malheureux, me disais-je ce matin, c’est que mes victoires