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adorai avec toute la vivacité de mon âge en 1821 (j’avais vingt et un ans à peine pour la duperie du cœur). Les ayant bientôt devinés, mon enthousiasme pour M. de Tracy souffrit un notable déchet.

L’aîné de ces frères a publié une histoire sentimentaliste de la conquête de l’Angleterre par Guillaume. C’est M. Thierry de l’Académie des Inscriptions. Il a eu le mérite de rendre leur véritable orthographe aux Clovis, Chilpéric, Thierry et autres fantômes des premiers temps de notre histoire. Il a publié un volume moins sentimental sur l’organisation des communes de France en 1200. Un vice de collège l’a fait aveugle. Son frère, bien plus jésuite (pour le cœur et la conduite) quoique ultra libéral comme l’autre, devint préfet de Vesoul en 1830 et probablement s’est vendu à ses appointements, comme son patron, M. Guizot.

Un contraste parfait avec ces deux frères jésuites, avec le lourd Dunoyer, avec le musqué Rémusat, c’était le jeune Victor Jacquemont, qui depuis a voyagé dans l’Inde. Victor était alors fort maigre, il a près de six pieds, et, dans ce temps-là, il n’avait pas la moindre logique, et en conséquence, était misanthrope. Sous prétexte qu’il avait beaucoup d’esprit, M. Jacquemont ne voulait pas se donner