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et même affectueux pour tout le monde, mais poli comme un roi. C’est ce que je dis un jour à Mme de Tracy, qui se fâcha autant que la grâce incarnée peut se fâcher, mais elle comprit peut-être dès ce jour que la simplicité énergique de mes discours n’était pas la bêtise de Dunoyer, par exemple. C’était un brave libéral, aujourd’hui préfet moral de Moulins, le mieux intentionné, le plus héroïque peut-être et le plus bête des écrivains libéraux. Qu’on m’en croie, moi qui suis de leur parti, c’est beaucoup dire. L’admiration gobe-mouche de M. Dunoyer, le rédacteur du Censeur et celle de deux ou trois autres de même force, environnait sans cesse le fauteuil du général qui, dès qu’il pouvait, à leur grand scandale, les plantait là pour aller admirer de fort près, et avec des yeux qui s’enflammaient, les jolies épaules de quelque jeune femme qui venait d’entrer. Ces pauvres hommes vertueux (tous vendus depuis comme des… au ministre Périer, 1832) faisaient des mines plaisantes dans leur abandon et je m’en moquais, ce qui scandalisait ma nouvelle amie. Mais il était convenu qu’elle avait un faible pour moi. « Il y a une étincelle en lui », dit-elle un jour à une dame, de celles faites pour admirer les petits mots lilliputiens à la Ségur, et qui se plaignait à elle de la simpli-