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moi, il a demandé ma dépouille (pour un grossier secrétaire, M. Levasseur). Il ne m’est pas plus venu dans l’idée de me fâcher ou de moins le vénérer qu’il me vient dans l’idée de blasphémer contre le soleil lorsqu’il se couvre d’un nuage.

M. de Lafayette, dans cet âge tendre de soixante-quinze ans, a le même défaut que moi. Il se passionne pour une jeune Portugaise de dix-huit ans qui arrive dans le salon de Mme de Tracy, où elle est l’amie de ses petites-filles, Mlles Georges Lafayette, de Lasteyrie, de Maubourg ; il se figure, pour cette jeune portugaise et pour tout autre jeune femme, qu’elle le distingue, il ne songe qu’à elle, et ce qu’il y a de plaisant, c’est que souvent il a raison de se figurer. Sa gloire européenne, l’élégance foncière de ses discours, malgré leur apparente simplicité, ses yeux qui s’animent dès qu’ils se trouvent à un pied d’une jolie poitrine, tout concourt à lui faire passer gaiement ses dernières années, au grand scandale des femmes de trente-cinq ans (Mme la marquise de Marmier (Choiseul), Mme de Perret et autres qui viennent dans ce salon. Tout cela ne conçoit pas que l’on soit aimable autrement qu’avec les petits mots fins de M. de Ségur ou les réflexions scintillantes de M. Benjamin Constant.

M. de Lafayette est extrêmement poli