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amants de Mme Doligny. Là j’aurais trouvé le remède à mes maux, mais j’étais aveugle.

Je rencontrai un jour, en sortant de la Chambre des pairs, mon cousin, M. le baron Martial Daru. Il tenait à son titre ; d’ailleurs le meilleur homme du monde, mon bienfaiteur, le maître qui m’avait appris, à Milan, en 1800, et à Brunswick, en 1807, le peu que je sais dans l’art de me conduire avec les femmes. Il en a eu vingt-deux en sa vie, et des plus jolies, toujours ce qu’il y avait de mieux dans le lieu où il se trouvait. J’ai brûlé les portraits, cheveux, lettres, etc.

— Comment ! vous êtes à Paris, et depuis quand ?

— Depuis trois jours.

— Venez demain, mon frère sera bien aise de vous voir…

Quelle fut ma réponse à l’accueil le plus aimable, le plus amical ? Je ne suis allé voir ces excellents parents que six ou huit ans plus tard. Et la vergogne de n’avoir pas paru chez mes bienfaiteurs a fait que je n’y suis pas allé dix fois jusqu’à leur mort prématurée. Vers 1829, mourut l’aimable Martial Daru, devenu lourd et insignifiant à force de breuvages aphrodisiaques au sujet desquels j’ai eu deux ou trois scènes avec lui. Quelques mois après, je restai immobile dans mon café de Rouen,