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mis un calembour dans une tragédie. Je me figure que c’est ainsi que Dorat devait penser dans les arts. Je trouve le mot juste, c’est un berger de Boucher. Peut-être, en 1860, y aura-t-il encore des tableaux de Boucher au Musée.

Maisonnette avait été l’élève de Luce, et Gazul est l’élève de Maisonnette. C’est ainsi qu’Annibal Carrache est élève du flamand Calcar.

Outre sa passion prodigieuse autant que sincère pour le ministre régnant et sa bravoure, Maisonnette avait une autre qualité qui me plaît : il recevait vingt-deux mille francs du ministre pour prouver aux Français que les Bourbons étaient adorables, et il en mangeait trente.

Après avoir écrit quelquefois douze heures de suite, pour persuader les Français, Maisonnette allait voir une femme honnête du peuple à laquelle il offrait cinq cents francs. Il était laid, petit, mais il avait un feu tellement espagnol, qu’après trois visites, ces dames oubliaient sa singulière figure pour ne plus voir que la sublimité du billet de cinq cents francs.

Il faut que j’ajoute quelque chose pour l’œil d’une femme honnête et sage, si jamais un tel œil s’arrête sur ces pages : D’abord cinq cents francs en 1822, c’est comme mille en 1872. Ensuite, une char-