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des vues de Florence, que je la connaissais d’avance ; j’ai pu y marcher sans guide. J’ai tourné à gauche, j’ai passé devant un libraire qui m’a vendu deux descriptions de la ville (guide). Deux fois seulement j’ai demandé mon chemin à des passants qui m’ont répondu avec une politesse française et un accent singulier, enfin je suis arrivé à Santa Croce.

Là, à droite de la porte, est la tombe de Michel-Ange ; plus loin, voilà le tombeau d’Alfieri par Canova : je reconnais cette grande figure de l’Italie. J’aperçois ensuite le tombeau de Machiavel ; et vis-à-vis de Michel-Ange, repose Galilée. Quels hommes ! Et la Toscane pourrait y joindre le Dante, Boccace et Pétrarque. Quelle étonnante réunion ! mon émotion est si profonde, qu’elle va presque jusqu’à la piété. Le sombre religieux de cette église, son toit en simple charpente, sa façade non terminée, tout cela parle vivement à mon âme. Ah ! si je pouvais oublier !… Un moine s’est approché de moi ; au lieu de la répugnance allant presque jusqu’à l’horreur physique, je me suis trouvé comme de l’amitié pour lui. Fra Bartolomeo de San Marco fut moine aussi ! Ce grand peintre inventa le clair-obscur, il le montra à Raphaël, et fut le précurseur du Corrége. J’ai parlé à ce moine, chez qui j’ai trouvé