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Florence, 22 janvier. — Avant-hier, en descendant l’Apennin pour arriver à Florence, mon cœur battait avec force. Quel enfantillage ! Enfin, à un détour de la route, mon œil a plongé dans la plaine, et j’ai aperçu de loin, comme une masse sombre, Santa Maria del Fiore et sa fameuse coupole, chef-d’œuvre de Bruneleschi. C’est là qu’ont vécu le Dante, Michel-Ange, Léonard de Vinci me disais-je ; voilà cette noble ville, la reine du moyen âge ! C’est dans ces murs que la civilisation a recommencé ; là, Laurent de Médicis a si bien fait le rôle de roi, et tenu une cour où, pour la première fois depuis Auguste, ne primait pas le mérite militaire. Enfin, les souvenirs se pressaient dans mon cœur, je me sentais hors d’état de raisonner, et me livrais à ma folie comme auprès d’une femme qu’on aime. En approchant de la porte San Gallo et de son mauvais arc de triomphe, j’aurais volontiers embrassé le premier habitant de Florence que j’ai rencontré.

Au risque de perdre tous ces petits effets qu’on a autour de soi en voyageant, j’ai déserté la voiture aussitôt après la cérémonie du passe-port. J’ai si souvent regardé