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Mon ignorance me rapproche souvent de l’état de ce pâtre.

Une promenade de dix minutes nous a conduits à un trou rempli de petites pierres d’où s’exhale un gaz qui brûle presque toujours ; nous avons jeté une bouteille d’eau sur ces pierres, aussitôt le feu a redoublé, ce qui m’a valu une explication d’une heure qui eût transformé pour moi, si je l’eusse écoutée, une belle montagne en un laboratoire de chimie. Enfin mon savant s’est tu, et j’ai pu engager la conversation avec les paysans réunis autour du foyer de cette auberge de montagne ; il y a loin de là au charmant salon de madame Martinetti, où nous étions hier soir. Voici un conte que je viens d’entendre sous l’immense cheminée de l’auberge de Pietra-Mala.

Il y a près de deux ans qu’on s’aperçut avec terreur, à Bologne et à Florence, qu’en suivant la route sur laquelle nous sommes, les voyageurs disparaissaient. Les recherches de deux gouvernements sans nerf n’arrivèrent qu’à cette certitude, c’est que jamais on ne trouvait de dépouilles dans les montagnes de l’Apennin. Un soir, la tourmente força un Espagnol et sa femme à s’arrêter dans une infâme auberge de Pietra-Mala, le village où nous sommes : rien de plus sale et de plus dégoûtant, et