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fortune ; à votre âge, j’avais déjà cent mille écus, et j’étais intéressé pour un huit dans la maison V… Ah çà, vous autres, il vous arrive bien de prendre un fiacre une fois par mois, n’est-ce pas ? Ma foi, il faut de l’économie : il n’y a que ça pour parvenir. Quand vous aurez seulement cinquante ou cent mille livres de rente, ah ! c’est différent. Par exemple, moi, j’ai acheté hier un cheval sept mille francs, et j’ai pris une seconde loge aux Bouffes : on n’y voyait pas dans l’autre, on y était trop mal. À propos, je la laisserai à mes amis, ce sera autant d’épargné pour eux. Venez-y, mon cher, vous me ferez honneur ; donnez-moi seulement votre carte, je pourrais vous oublier. » Et l’industriel tire de sa poche une poignée d’or qu’il regarde. »

Cet homme-là fait vivre quinze cents ouvriers par ses trois manufactures, et l’utilité étant la seule base raisonnable de l’estime à accorder, il est cent fois plus estimable que le marquis son voisin. Celui-ci n’a aucune influence, heureusement ; car, s’il en avait, bientôt on se tirerait des coups de fusil en France, et alors j’irais me ranger avec l’industriel. De plus, quand le marquis m’engage à dîner, je dîne assez mal, mais je trouve chez lui un ton aimable et doux, j’aime à y parler, et c’est sans peine qu’une fois par