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M. Pietro Giordani au nombre des citoyens les plus estimables de ce pays ; c’est uniquement leur gloire que j’attaque ; il me semble que c’est un droit qu’on achète chez le libraire.

Michel-Ange de Carravage était probablément un assassin ; je préfère cependant ses tableaux si pleins de force aux croûtes de M. Greuze, si estimable. Que m’importent les qualités morales d’un homme qui, par ses vers, sa musique, ses couleurs ou sa prose, prétend m’amuser ? Les écrivains dont on se moque crient toujours qu’on attaque leur honneur ; eh ! messieurs, que me fait votre honneur ? tâchez de m’amuser ou de m’instruire. Je profite de l’occasion pour déclarer solennellement que je tiens pour excellents citoyens et même pour gens fort aimables tous les artistes médiocres dont je prends la liberté de rire.

Les Italiens lisent rarement, mais avec une bonne foi et une attention singulières. Ils se ferment à clef pour ouvrir un pamphlet ; toutes les facultés, toute l’attention du lecteur sont au service de l’écrivain. Ils ne conçoivent pas notre passion pour Voltaire et la Bruyère ; dans les livres, ils n’entendent rien à demi-mot : c’est qu’ils n’ont jamais eu de cour où la conversation fût la grande affaire. Ils n’ont jamais joué avec les petits tyrans qui, depuis la