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la patrie du Dante est à la tête de la littérature, mais elle est toute la littérature. » Or, ajoute le cardinal, il y a peut-être cinquante ans qu’aucune idée nouvelle ne s’est fourvoyée dans la tête d’un Florentin ; leur grande affaire c’est de chercher à modeler leur style sur la manière dont on écrivait la prose à Florence vers l’an 1400. À cette époque, les deux tiers des idées qui nous occupent aujourd’hui n’étaient pas nées : la légitimité, l’art d’imprimer, le gouvernement représentatif, l’économie politique, l’Amérique, le crédit d’un ministre pour faire des emprunts ou acheter des votes, etc., etc., toutes ces choses étaient encore dans le sein de l’Éternel. Or le bon Florentin veut parler de tout cela avec les mots et les tours de phrase dont se servaient les Toscans du quinzième siècle. Vous autres Français, vous dites d’un homme qui entre dans un salon d’une façon brusque : Il est arrivé comme une bombe. En 1400, l’on n’avait pas encore remarqué cette nuance, ou bien on l’exprimait autrement. Voilà ce que les pauvres gens de lettres de Florence n’auront jamais l’esprit de comprendre. À Milan, quand l’empereur Napoléon créa un ministre de la marine et un directeur de la police, on ne put jamais trouver à ces fonctionnaires des noms italiens : ministro della marina veut