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dix-neuvième siècle, vivait à Naples avec le plus grand luxe, et recevait toute la société. On voyait sur les genoux de la jeune comtesse une jolie petite fille de huit à dix ans ; la comtesse passait sa vie à l’embrasser dans des transports de tendresse, ou à lui donner des coups de pied et à la mordre. La petite fille, au désespoir, obtint de sa protectrice, par le moyen d’un jeune prêtre, ami de la maison, d’être mise au couvent de Sorrento, la patrie du Tasse, et le plus beau lieu de la terre. Ses charmes se développèrent avec son esprit. À peine âgée de seize ans, on la citait comme la jeune fille la plus distinguée de Naples. Un homme vain, le prince Santa Valle, avait alors les plus beaux chevaux, les voitures les plus nouvellement importées de Londres : il pensa que la plus belle femme de Naples compléterait son luxe. La pauvre Emma, qui redoutait un peu les folies de la comtesse sa protectrice, qui lui disait l’avoir adoptée en la trouvant orpheline dans une auberge, la pauvre Emma se trouva trop heureuse d’épouser l’être d’Italie qui savait le mieux de combien de lignes la manchette de la chemise doit dépasser l’habit. Elle devint princesse. La négociation fut conclue avec beaucoup d’adresse par la comtesse cosmopolite. Quand le prince fut tout à fait engagé, elle lui avoua qu’Emma