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ROME, NAPLES ET FLORENCE

« Nous vivrons heureux, lui dit-il, et personne ne connaîtra notre bonheur. » À ce trait, les rires et l’enthousiasme du public ont interrompu la pièce pendant deux minutes. Comme il est aux genoux de sa belle, il est surpris par une vieille tante de la jeune fille, qui l’a connu quarante ans auparavant à Ferrare, où il était employé ; elle lui rappelle qu’il lui parla d’amour, et le persécute tellement, que Cassandrino, de désespoir, se sauve dans l’atelier du peintre. Il reparaît bientôt, comme un autre Pourceaugnac, suivi par tous les jeunes gens qui se moquent de ce nouveau camarade à favoris noirs et à cheveux blancs. Arrive le jeune peintre qui renvoie ses élèves, et a un long dialogue fort sérieux avec Cassandrino. Celui-ci sent le voisinage du poignard. Cassandrino meurt de peur, non d’être battu, mais de faire un éclat ; autre trait dont la sagacité romaine jouit avec délices.

Enfin, le jeune peintre, après s’être assez amusé de Cassandrino, qu’il persiste à prendre pour un voleur, le reconnaît enfin : « Vous êtes venu, lui dit-il, pour prendre une leçon de peinture. Je vais vous la donner : je commencerai par le coloris. Mes élèves vont vous dépouiller de vos habits, après quoi ils vous peindront le corps de la tête aux pieds d’une