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madame, qu’une femme redoute un mot trop libre qui pourrait choquer ses principes. Ah ! que vous n’y êtes pas : elle redoute d’être obligée de rester silencieuse et morne, après que vous avez parlé, et ainsi d’avoir l’air, pour un moment, de manquer d’esprit.

— On ne vit qu’à Paris, et l’on végète ailleurs, s’est écrié don Francesco.

— Oui, pour vous, hommes, dit la princesse, qui ne vivez que de politique et d’idées nouvelles.

— Mais, au lieu de vos idées politiques, dit monsignore Cerbelli, vous trouvez parmi nous les jouissances des beaux-arts.

— C’est comme si vous me proposiez, reprend don Francesco, de dîner avec du café et des sorbets. Le nécessaire de la vie, c’est la sûreté individuelle, c’est la liberté : les arts, au dix-neuvième siècle, ne sont qu’un pis-aller. Le livre le plus rétrograde, publié à Paris, se fait lire parce qu’il est obligé d’admettre certaines vérités que l’écrivain le plus libéral n’ose aborder parmi nous. Il faut, pour n’être pas pendu, qu’il les entoure de formes dubitatives, qui s’opposent à ce qu’il en peigne les nuances ; et il m’ennuie. Le siècle des beaux-arts et de la poésie est passé, parce que l’habitude de la discussion avec les gens du parti contraire ôte à nos têtes le pouvoir de se