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ROME, NAPLES ET FLORENCE

Pie VI. Alors la vie de vos femmes était admirable de gaieté, de mouvement, d’entrain, de piquant ; elles me semblèrent toujours occupées de quelque partie de plaisir folle : les étrangers accouraient en foule d’Allemagne, d’Angleterre, etc. Notez qu’en 1785 on savait encore moins s’amuser qu’aujourd’hui en Allemagne et en Angleterre[1].

« Mais l’étranger qui, depuis le grand roi, copie et connaît toujours la France à cinquante ans de distance, va répétant les louanges accordées à votre société par le marquis Caraccioli, le prince de Ligne, l’abbé Galiani. Le bégueulisme mine votre gaieté ; la peur du ridicule, en 1785, n’empêchait pas d’oser ; vous êtes pétrifiés maintenant. »

Madame Melfi, qui a laissé trois ou quatre bonnes amies à Paris, cherchait à excuser le méthodisme des jeunes femmes, qui nous prive de tous les jolis contes qu’on faisait en 1790. « Vous vous figurez,

  1. Non : la séparation du continent, de 1792 à 1814, a augmenté à Londres l’énergie du principe triste ; l’aristocratie a eu une profonde peur ; elle a éprouvé, elle a excité de la haine. (Vie de Bagge, par sir Walter Scott.) La croyance que Napoléon était un ogre mangeant les petits enfants, et ne sachant pas lire, a diminué le bon sens, et par là le bonheur. Burke disait à la crédulité aristocratique qu’en France l’étroit espace laissé entre la guillotine et le peuple était loué à un bateleur, qui y faisait danser des chiens savants les jours d’exécution.