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ROME, NAPLES ET FLORENCE

Melfi, une chose me frappa extrêmement : au bal, toujours la peur donnait des mouvements convulsifs aux doigts des danseurs. La joie si naturelle à la jeunesse, ou même la gaieté, était à mille lieues. — Voilà qui est plaisant, a dit le colonel Tecco : dans la société française, chacun consent à être victime, dans l’espoir d’être bourreau à son tour ; car, enfin, pourquoi faire la cour à la peur du ridicule ? Est-ce quelque potentat qui distribue des pensions ou des cordons ? — Ce que la bonne compagnie de Paris abhorre par-dessus tout, dit don Francesco, c’est l’énergie. Cette haine est masquée de cent façons : mais soyez convaincus qu’elle règle tous les sentiments. »

« L’énergie crée de l’imprévu, et devant l’imprévu l’homme vain peut rester court : voyez quel malheur !

— « Je fus un jour d’un pique-nique aux bains d’Enghien, dit madame Melfi ; un des convives, homme d’esprit, s’amusa, par envie, à glacer l’esprit et la folie de ses voisins. Voilà ce que nous n’aurions jamais souffert en Italie. J’étais outrée de colère ; mais vos femmes ont si peu de pouvoir en France ! Elles laissèrent faire ce sot, que, chez moi, d’un mot, j’aurais mis à sa place en le plaisantant ferme sur un de ses ridicules : et notre pique-nique