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du destin, provenant peut-être de la méchanceté des gouvernements. Ils ont les tours de phrase qui indiquent ce que l’on ne trouve jamais en Calabre, le désespoir. Si l’on redoute un accident, l’on dira : Mancherebbe anche questa ! (Il nous manquait encore ce malheur !) L’on dit d’un grand bonheur : Ah che consolazione !

Don Francesco me raconte que, du temps de la révolution de 1799, le jeune prince Montemiletto fut envoyé à Londres pour négocier en faveur de la liberté. M. Pitt le paya de vaines paroles, et enfin se moqua ouvertement de lui, en traitant avec une autre personne comme envoyé de Naples. Le jeune prince se plaignit. « On n’est pas diplomate, lui dit Pitt, sans barbe au menton. » Là-dessus Montemiletto rentre chez lui et se brûle la cervelle. Un vrai Calabrois se fût moqué du propos de Pitt, ou l’eût tué. D’un bout de l’Europe à l’autre, à Naples comme à Pétersbourg, les classes privilégiées ont cette extrême politesse qui ôte l’énergie dans les cas imprévus.

Je sens désagréablement que je n’appartiens pas aux classes privilégiées : le défaut de passe-port m’empêche de passer à Messine, dont je compte les maisons de ma fenêtre. J’aurais désiré passionné-