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la barque qui nous a amenés d’Otrante à Crotone. On se le prêtait ainsi à quarante lieues de distance. Ces gens-ci n’ont pas la moindre idée de la conversation. Souvent ils sont éloquents : mais malheur à vous si vous les mettez sur un sujet qui leur tient au cœur : ils parlent une heure, et ne vous font pas grâce du moindre détail. J’ai cru reconnaître l’éloquence des harangues de Tive-Live. Un prêtre de Brancaleone mit deux bonnes heures à nous développer cette idée : « Je suis fâché, comme chrétien et comme philosophe, de tout ce qui va arriver de cruel en Espagne et en Italie ; mais la terreur, et la terreur inspirée par les évêques, est nécessaire à ces peuples, que Napoléon n’a pas assez profondément réveillés. L’assassinat et les tortures frapperont à leur porte : alors ils comprendront que la justice mérite qu’on fasse quelque chose pour l’acheter. À moi qui vous parle, dans ce malheureux pays, que me fait la justice ? Si je n’avais pas des amis et du crédit personnel, je serais écrasé. Quel service la justice m’a-t-elle jamais rendu ? Ne vois-je pas tous les jours violer les serments les plus sacrés ? (L’archevêque, fils d’un ministre du pacha d’Égypte, a été jeté ici par la tempête ; on lui a promis protection, et on ne l’en a pas