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vez pas jusqu’aux caractères : Henri V n’est qu’un niais. » Le comte Giraud, Romain, le Beaumarchais de ce pays, a fait deux ou trois pièces comiques : l’Ajo nell’ imbarazzo, le Disperato per eccesso di buon core. L’avocat Nota, Sografi, Federici, tombent sans cesse dans le drame, et même leurs comédies comiques sont faites pour une société moins avancée que la nôtre. Molière est à Picard ce que Picard est à Goldoni. Chez ce poëte, le maître de maison qui invite à dîner est toujours obligé d’envoyer emprunter six couverts, parce qu’il a mis son argenterie en gage. Il faut se rappeler que Goldoni écrivait à Venise. Les nobles vénitiens l’auraient enterré sous les plombs s’il s’était avisé de peindre leur manière de vivre devant leurs sujets. Goldoni n’a pu exercer son talent que sur des malheureux de mœurs si basses, que je ne puis admettre avec eux nulle comparaison. Je ne puis rire à leurs dépens. Ce poëte avait toute la vérité d’un miroir, mais pas d’esprit. Falstaff manque tout à fait de bravoure personnelle ; et, malgré son étonnante lâcheté, il a tant d’esprit, que je ne puis le mépriser : il est digne que je rie à ses dépens. Falstaff est encore meilleur lorsqu’on le joue devant une nation triste, et qui