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parmi les grands poëtes. Mais, d’abord, il n’eut jamais qu’une passion ; et, en second lieu, ses vues furent toujours extrêmement étroites en politique. Il ne comprit jamais (voir les derniers livres de sa Vie[1]) que, pour faire une révolution, il faut créer de nouveaux intérêts, id est de nouveaux propriétaires. D’abord, il n’avait pas d’esprit en ce genre ; en second lieu, il était noble, et noble piémontais[2]. L’insolence de quelques commis de la barrière de Pantin, en lui demandant son passe-port, et le vol de douze ou quinze cents volumes, trouvant dans son cœur tous les préjugés nobiliaires, l’empêchèrent à jamais de comprendre le mécanisme de la liberté. Cette âme si haute ne vit pas que la condition sine qua non, pour écrire quelque chose de passable en politique, c’est de s’isoler des petits frottements personnels auxquels on peut avoir été exposé. Sur la fin de sa vie, il disait que, pour avoir du génie, il fallait être né gentilhomme ; enfin, méprisant la littérature

  1. Dans l’original, car la police de Bonaparte a mutilé la traduction. Son portrait est celui de toutes les grandes âmes de l’Italie actuelle : plus de rage que de lumières.
  2. Il n’a jamais su apprécier la bonté des souverains de l’auguste maison de Savoie. Des souverains tels que ceux qui occupent actuellement les trônes de Naples, de Florence et de Sardaigne sont faits pour réconcilier à la monarchie les esprits les plus égarés par l’orgueil.