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le journal en attendant le ballet : impossible ; il n’y a pas de rideaux. Vous êtes enrhumé, et voulez garder votre chapeau : impossible ; un prince honore le spectacle de sa présence. Vous vous réfugiez au café : c’est un couloir lugubre et étroit, d’un aspect abominable. Vous voulez aller au foyer : un escalier roide et incommode vous y fait arriver tout essoufflé.

21 mars. — Je me sens possédé par ce noir chagrin d’ambition qui me poursuit depuis deux ans. À la manière des Orientaux, il faut agir sur le physique. Je m’embarque, je fais quatre heures de mer, et me voilà à Ischia, avec une lettre de recommandation pour don Fernando.

Il me conte qu’en 1806 il s’est retiré à Ischia, et qu’il n’a pas revu Naples depuis l’usurpation française, qu’il abhorre. Pour se consoler du manque de théâtre, il élève une quantité de rossignols dans des volières superbes. « La musique, cet art sans modèle dans la nature, autre que le chant des oiseaux, est aussi comme lui une suite d’interjections. Or une interjection est un cri de la passion, et jamais de la pensée. La pensée peut produire la passion ; mais l’interjection n’est jamais que de l’émotion, et la musique ne saurait exprimer ce qui est sèchement pensé. » Cet