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20 mars. — Ce soir, comme j’entrais à San Carlo, un garde m’a couru après pour me faire ôter mon chapeau. Dans une salle quatre fois grande comme l’Opéra de Paris, je n’avais pas aperçu je ne sais quel prince.

Paris est la première ville du monde, parce qu’on y est inconnu, et que la cour n’y forme qu’un spectacle intéressant.

À Naples, San Carlo n’ouvre que trois fois la semaine : ce n’est déjà plus un rendez-vous sûr pour tous les genres d’affaires, comme la Scala. Vous courez les corridors ; les titres les plus pompeux, écrits sur les portes des loges, vous avertissent en gros caractères, que vous n’êtes qu’un atome qu’une Excellence peut anéantir. Vous entrez avec votre chapeau : un héros de Tolentino vous poursuit. La Conti vous enchante, et vous voulez applaudir : la présence du roi fait un sacrilège de votre applaudissement. Vous voulez sortir de votre banc, au parterre, un grand seigneur garni de ses crachats, et dont vous accrochez la clef de chambellan avec votre chaîne de montre (c’est ce qui m’est arrivé hier), murmure du manque de respect. Ennuyé de tant de grandeurs, vous sortez, et demandez votre remise : les six chevaux de quelque princesse obstruent la porte pendant une