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époux de la Samandria liberata, rentrant dans son palais, dévoré de jalousie, et cependant se laissant aller à danser ce beau terzetto avec l’esclave nègre chargée de la musique du sérail, et sa femme. Ce pas entraînait tous les cœurs, on ne savait pourquoi. C’est un des grands traits de l’histoire de l’amour, la présence de ce qu’on aime faisant oublier tous les torts. Le goût français est comme ces jolies femmes qui ne veulent pas qu’on mette du noir dans leurs portraits : c’est un Boucher comparé à l’Hôpital de Jaffa de Gros. Sans doute ce genre perruque va s’éteindre ; mais nous serons éteints avant lui. Nous n’avons pas joui d’assez de sécurité pour que la révolution pût entrer dans l’art. Nous en sommes encore aux talents étiolés du siècle de Louis XV : MM. de Fontanes, Villemain, etc.

Ordinairement rien ne peut ajouter à mon mépris pour la musique française ; cependant les lettres de mes amis de France m’avaient presque séduit. J’étais sur le point de leur accorder les airs de gaieté et de pur agrément. Le ballet de Joconde finit toute discussion pour moi. Jamais je n’ai mieux senti la pauvreté, la sécheresse, l’impuissance prétentieuse de notre musique, dont on a rassemblé là les airs réputés les plus agréables, ceux