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ballet à la Viganò a une rapidité à laquelle Shakspeare lui-même ne peut atteindre. Ce genre singulier va peut-être se perdre ; il eut son plus beau développement à Milan, dans les moments prospères du royaume d’Italie. Il faut de grandes richesses, et le pauvre théâtre de la Scala n’a peut-être pas deux ou trois ans de vie : le despote ne cherche point, comme Laurent de Médicis, à masquer les chaînes et l’avilissement des esprits par les jouissances des beaux-arts. La piété a fait supprimer les jeux dont les bénéfices alimentaient la scène : peut-être même le souvenir de cet art se perdra-t-il tout-à-fait ; il n’en restera que le nom, comme ceux de Roscius et de Pylade. Paris ne l’ayant point connu, il est resté obscur en Europe.

L’étranger auquel les Milanais parlent de Coriolan, de Prométhée, des Zingari, du Chêne de Bénévent, de Samandria liberata, pour peu qu’il n’ait pas d’imagination pittoresque, est glacé par les transports de son interlocuteur. Comme l’imagination pittoresque n’est pas notre fort en France[1], ce genre y tomberait tout à plat. Nos la Harpe ne peuvent pas même comprendre Métastase. Je n’ai vu que trois

  1. Je soupçonne que ce sentiment existe en Écosse.