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d’être obligé de payer que Vellicri a bâtonné le marquis. À peine remis de la peur effroyable que lui avaient causée les coupe-jarrets, le Filorusso a songé au théâtre de sa gloire, à Venise. « Là, s’est-il dit, j’ai vaincu l’éléphant[1] ; là, Vellicri est entrepreneur du théâtre (impresario) ; je lui ferai siffler toutes ses pièces et le ruinerai. » En effet, a continué mon ami, depuis quelques mois on siffle tous les opéras du théâtre de Vellicri, et il perd de grosses sommes.

Voilà comment, avant Napoléon, était occupée la vie des Italiens : sous son règne, Vellicri eût été renvoyé à la rame pour deux ou trois ans, et le marquis mis en prison s’il se fût avisé de troubler le spectacle. Ce qui fait rire, c’est que le marquis Filorusso a contribué à ramener l’ordre de choses qui le laisse affliger par le bâton ; il se promenait par hasard sur la place San Fedele pendant qu’on massacrait Prina.

  1. Voir l’Elefanteide, satire admirable de M. Buratti. Chercher la description de la figure tombolaria. Jamais satirique n’égala M. Buratti pour la peinture du physique de ses héros : après l’avoir lu, on les reconnaît dans la rue. Don Juan renferme bien des imitations de ce poète. (1826.)